Memory at Arm’s Length
[À un bras de distance des souvenirs]

Artiste : Russell Banx
Exposition : Du 16 septembre au 22 octobre 2022
Vernissage : 15 septembre 2022, 17h à 20h, en présence de l’artiste
Lieu : Pangée, 1305 avenue des Pins O., Montréal

  • C’est muni d’un crayon à mine que Russell revisite son passé et qu’il en trace patiemment les contours gais ou sombres, à la surface du papier. Les souvenirs qu’il puise aux tréfonds de sa mémoire nous semblent à la fois proches et distants, comme s’ils ne constituaient plus qu’une vague impression, de celles que l’on balaie du revers de la main.

    Tapies dans l’obscurité ou cachées en pleine lumière, les images qu’il fait naître brouillent la frontière entre le familier et l’inquiétant. Elles laissent entrevoir des moments de solitude où l’imagination s’enflamme, tant et si bien qu’on en vient à s’interroger sur la nature de ce qui est mis en scène. Dans Basement [Sous-sol] (2022), un personnage ressemble à un pantomime. Est-il en proie à des hallucinations fiévreuses ou essaie-t-il simplement de se distraire en s’amusant un peu ? On se demande si le papier peint et le tapis, tous deux surchargés de motifs, évoquent le caractère oppressant de la vie de famille banlieusarde. Ainsi, dans At the Door [À la porte] (2022), un personnage a l’air de craindre ce qui se cache derrière une porte close. Or, il pourrait tout aussi bien être animé d’un désir de fuite. Rien de plus normal, puisque le travail de Russell suscite de multiples interprétations.

    Après avoir visionné des vidéos de son enfance et de son adolescence, l’artiste réinterprète les impressions fugaces qui constituaient alors sa réalité. L’été, famille et voisins se réunissaient autour de la piscine. Les corps raides et crispés se décontractaient doucement, à la faveur de la bière et de la baignade. Sous le crayon de Russell, les mimiques se détendent tant et si bien que les visages et les corps finissent par nous sembler juvéniles, voire enfantins. Certains sujets font écho à des objets que l’artiste trouve dans son studio ou dans les arrière-cours banlieusardes. Un bras — long et flexible comme un spaghetti — nous rappelle par exemple la peinture qui sort de son tube ou la nouille de piscine qui flotte à la surface de l’eau étincelante.

    Les corps que Russell dépeint sont fluides ; leur élasticité renvoie aux désirs conflictuels qui les animent, tiraillés qu’ils sont entre l’envie de se révolter et de se conformer, de se lier aux autres et de se tailler une place dans la société. Malgré leur entêtement, on les sent prêts à reconsidérer et à renégocier leur place dans le monde. Dans Shoulders [Épaules] (2022), un personnage perché sur un autre conjure la difficulté de créer des liens lorsque l’égo et la compétition entrent en jeu. Dans Parked [Garé] (2022), les corps de deux garçons s’entrelacent — leurs membres dessinent presque la forme d’un cœur.

    À travers un processus méditatif, Russel distille la peur, la mélancolie et l’anxiété rattachées à ses souvenirs. On peut penser que son œuvre découle de sombres souvenirs ; ou encore qu’elle annonce la fin de l’innocence.

    Texte de Raphaëlle Cormier.
    Traduction de Daphné B.

  • Russell Banx (né en 1986 à Peterborough, ON) est un artiste établi à Montréal qui étudie actuellement à l’Université Concordia. Son travail explore des modes d’existence qui sont typiquement négligés, en valorisant les notions de déférence et d’intimité, tant dans le sujet que dans la matérialité même des œuvres. Tournant principalement autour de figures masculines, ses représentations au rendu vaporeux évoquent un calme thérapeutique.

    Memory at Arm’s Length [À un bras de distance des souvenirs] présentée chez Pangée (Montréal) correspond à sa première exposition solo au Québec.